Auteur | Nguyen Quoc-Thanh |
Editeur | Presses universitaires de Provence |
Date | 2017 |
Pages | 157 |
Sujets | Baleines Culte Vietnam Rites et cérémonies Vietnam Pêcheurs Vietnam Baleines Prières Vietnam Moeurs et coutumes |
Cote | 61.400 |
Il est certain que lorsque l’on songe au Vietnam, on voit plutôt des rizières et des forêts, des plages peut-être. Le Vietnam, du nord au sud, borde l’Océan sur 3 200 km de côtes, et, cependant, les Vietnamiens semblent ne voir en la mer qu’un élément redoutable et redouté qui leur inspire peur et crainte. Les Vietnamiens ne sont pas de grands marins, et, lorsqu’ils commercent, ils pratiquent de préférence le cabotage, sans s’éloigner des côtes. La rizière suffisait aux paysans, qui étaient rarement pêcheurs ou navigateurs. Il est donc intéressant que l’auteure, chercheuse franco-vietnamienne, se penche sur les relations de villageois marins avec la baleine.
Ces villageois étaient suspectés par le pouvoir vietnamien, après ce que l’auteur appelle la « Réunification » en 1975, quand toute forme d’originalité et de pensée libre était bannie. Tout a changé maintenant, depuis les démêlés avec le voisin chinois qui revendique pour son compte la mer de Chine et les îles Paracels et Spratleys. Des pêcheurs traditionnels sont régulièrement capturés par la marine chinoise sous l’accusation de « pêcherie illégale », alors qu’ils opéraient dans des zones où ils étaient présents depuis des décennies. Il devient alors primordial pour le Vietnam de revendiquer son passé maritime et sa possession des mers : « en mai 2012, le gouvernement a organisé une première exposition sur l’héritage culturel et maritime, mettant l’accent sur l’importance des échanges entre les ports vietnamiens et le reste du monde, ainsi que la contribution du patrimoine maritime à la culture nationale vietnamienne ».
Donc, le culte rendu à la baleine protectrice des pêcheurs et salvatrice commença à intriguer les autorités, comme les agences de voyage qui avaient, dès lors, licence d’emmener leurs clients vers les cérémonies annelles qui fêtent, à date fixe, le souvenir de l’échouage de l’esprit baleine devant les villages côtiers.
Mais, au vrai, ce culte de la baleine n’est pas vraiment vietnamien. Il vient des xviii etxixe siècle, avec la colonisation des terres du Sud, qui formaient l’ancien royaume du Champa, par les conquérants vietnamiens. « Le culte de la baleine dans sa version vietnamienne est arrivé chez les pêcheurs avec l’empereur Gia Long (1802-1820), le fondateur de la dynastie des Nguyên », qui conquit le Champa. Le prince, alors jeune, aurait été sauvé par une baleine après un naufrage en mer et, depuis, décida de lui vouer un culte.
Les Vietnamiens Kinh ont intégré dans leur panthéon des génies étrangers : le syncrétisme religieux a fonctionné pour ces cultes : la déesse Po Nagar des Chams est devenue Thiên Y A-Na pour les Vietnamiens, Po Riyak, le roi des Flots, est devenu le génie Baleine. « Une fois tous les quatre ans, le village de Hâi Ninh, dans les environs de Phan Thiet, partage les festivités dédiées au seigneur baleine avec les représentants de l’ethnie cham venus du village voisin », remarque bien l’auteur, dont le sujet n’est pourtant pas l’étude des réminiscences du culte chez les Chams. Toutefois, note-t-elle, beaucoup de pêcheurs « sont des descendants des Chams de jadis ». Peut être sont-ils encore un peu Chams, l’auteure ne le dit pas, ni comment différencier un pêcheur cham d’un pêcheur vietnamien.
Quoiqu’il en soit, sur toute la côte sud, à partir de Hué, c’est-à-dire sur l’ancienne emprise chame, des cultes sont rendus à la baleine, et des cérémonies sont codifiées, avec chants anciens dans une langue devenue presque incompréhensible, le nôm, « langue vietnamienne transcrite en utilisant le système idéographique chinois ». L’anniversaire des échouages d’une baleine est célébré indépendamment par chacun des villages côtiers.
L’auteure décrit minutieusement, et de visu après enquêtes sur place, l’organisation de ces festivités dirigées par un élu, celui qui a été le premier à découvrir la baleine morte, flottant en mer ou échouée sur la plage. Il est nommé « fils de la baleine », l’« aîné ». C’est lui qui va organiser les funérailles de la baleine, dont les os ou tout le squelette quand cela est possible seront conservés dans un temple dédié. L’auteure s’étonne au passage que cette prérogative reste réservée aux hommes : « Lorsque c’est une femme qui découvre l’échouage, il lui incombe de transmettre cette charge au premier homme de sa famille. » Or, les femmes ne s’embarquent pas dans un bateau de pêcheur, c’est une constante universelle : les éléments primordiaux ne doivent pas se mélanger. Le sang ne va pas avec l’eau.
Le culte vient de la croyance à la fois que la baleine protège les marins en mer, et que « la chance et la prospérité vont retomber sur le village tout entier après la période de deuil, le génie ayant choisi leur village pour se reposer ».
Ce livre est passionnant, mais souvent ralenti par de nombreuses répétitions et citations inutiles. Faut-il vraiment « convoquer » de bons auteurs à la rescousse pour avancer des faits évidents, comme « les Vietnamiens ont, à portée de leur effort un domaine maritime considérable », ou, pris au hasard dans la même page : « L‘art culinaire vietnamien connaît autant de plats de poissons que de plats de viandes » ?
Les cérémonies annuelles sont maintenant suivies dans quelques villages par de petits groupes de touristes ; faut-il répéter plusieurs fois qu’ils le font « en mal de spiritualité » ? La bibliographie est complète et impressionnante ; mais pourquoi ne pas citer le nom, Gérard Moussay des Missions étrangères de Paris, de l’auteur du dictionnaire fondateur cham/vietnamien/fançais dès 1971, et pourquoi en citer l’éditeur par sa traduction vietnamienne sans citer sa forme française « Centre Culturel Cham », fondé par G. Moussay ?
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