Lettres à Mina

Recension rédigée par Guy Lavorel


Madame Thuân parle parfaitement le français, mais elle a écrit son texte en vietnamien, comme elle l’avait intériorisé, et il a été traduit et diffusé en français.

La chute du livre est révélatrice : « Peut-on appeler cela une œuvre littéraire ? Je ne sais pas. Mais qu’est-ce qu’une œuvre littéraire ? » De fait une question se pose : comment doit-on qualifier ce roman ? Roman par lettres ? Autobiographie ? Roman historique ? Et pourquoi pas nouvelles, d’autant que c’est une partie du livre régulièrement affichée : « nouvelles d’Afghanistan » ? Et ce sont bien des nouvelles données au quotidien, comme si on lisait le Décaméron ou l’Heptaméron ; mais avec des nouvelles russes, afghanes, parisiennes ou vietnamiennes… Ce sont pourtant bien des lettres, celles écrites à cette amie, Mina (lui ont-elles été finalement adressées ?), ou encore les lettres de Pema. Et c’est une valeur sûre que cette analyse régulière, astucieuse, de tout ce qui entoure une ou plusieurs personnes, dans ce qui simplement est la vie.

Mais voilà… il y a une intrigue, avec des personnages et une enquête pour le moins captivante et pleine de surprises, tantôt inquiétantes, tantôt plus humoristiques. On trouve ainsi Monsieur Chat, extraordinaire partenaire de Madame Chiên, et un ensemble de personnages bien campés.

Ce récit vit de vérité, tant il est spontané, direct dans sa présentation d’un événement. Tout est écrit avec aisance et force de saisissement. Pourtant le roman est plein d’essais, d’autocritique, les diverses versions venant parfois se répéter, comme dans un refrain nécessaire. Ainsi de cette pluie qui, à plusieurs reprises, tombe sur Saïgon…

Ainsi ce roman qui ne prétend pas être une œuvre, en devient une et nous captive. Prétendu inachevé, on le voit remplir sa tâche, à savoir nous interroger, nous déranger, nous convaincre, nous séduire.