Auteur | Felwine Sarr |
Editeur | Gallimard |
Date | 2022 |
Pages | 174 |
Sujets | Littérature française contemporaine |
Cote | 65.653 |
A priori ce roman raconte un drame, celui d’une dispute qui a mal tourné et provoqué la mort de Vlad par accident, une mauvaise chute, qui devient le tourment de Bouhel, car devenu responsable, en voulant sauver celle qu’il aime, agressée par son propre frère et presque étranglée. Mais Bouhel n’est qu’une face de ce roman qui est l’histoire de deux frères jumeaux, Fodé et Bouhel, et leurs parcours d’apprentissage différents, même s’ils finissent fatalement par se rejoindre. Et chacun suit ses rêves qui les transportent en des lieux bien éloignés… Pour Bouhel, c’est d’abord la leçon de son professeur de sémiotique et de littérature comparée qui reste marquante, son approche de la poésie pour régénérer le corps ; puis l’amour d’Ulga qui le conduit en Pologne et à une éducation sentimentale, mais aussi à une suite de rencontres bouleversantes : la Poméranie et la région de la Baltique ; le monastère avec frère Tim, qui lui conseille d’aller « vivre parmi les humains » pour son témoignage d’écrivain ; l’espoir mis en Karol Wojtyla, qui « réussira, là où le Christ a échoué » ; la prison de Mokotow qui marque les esprits… Pour Fodé, le menuisier, la mission est bien plus spirituelle et plus située dans le pays sérère de ses origines. C’est lui qui prend le relais de Ngof, l’ancêtre maître des initiations., qui par sa mort doit devenir « l’un de ces souffles errant dans les brumes de l’au-delà », comme une invitation à suivre cette voie… Dès lors ces deux frères doivent se retrouver, dans un moment de pleine gémellité : « Le partage des apprentissages de nos chemins. Ce moment où nos deux fleuves se mêleront en un grand cours d’eau. »
On ne peut qu’être sensible à parcourir ces lieux, ces « tropismes » qui habitent les héros et les conduisent à dépasser tout ce qu’ils ont recueilli, en force et en expériences négatives. L’écrivain a choisi l’alternance pour conduire son lecteur dans les méandres de la conscience et de la réflexion. Trois voix se prêtent à une narration polyphonique, celle de Fodé, décalée à une vision d’extérieur, à la 3e personne, celles de Bouhel et aussi d’Ulga, à la première personne, comme plus intériorisées, alors que la vie intérieure est pour Fodé. Mais dans ces monologues l’une donne un autre aperçu de l’autre et vient permettre au lecteur un recul nécessaire comme si le rêve devait aussi se confronter à la réalité directe.
C’est donc une écriture à plusieurs registres et tons, pour nous faire découvrir des mondes que nos rêves ont plaisir à poursuivre…