Ce livre constitue l’édition d’un colloque franco-africain organisé les 26 et 27 mars 2015 à partir de la publication de l’inventaire des archives Foccart. L’intérêt de ce fonds est évident tant par son importance matérielle (près de 500 m linéaires), que par les responsabilités exercées par le personnage dont les activités ont contribué à le constituer. On se rappelle en effet que Jacques Foccart (1913-1997) fut un conseiller très privilégié du général de Gaulle, président du Conseil puis président de la République, et de son successeur Georges Pompidou, dans quatre domaines : l’Afrique, les DOM-TOM, la liaison avec le ministère de l’Intérieur et les services de renseignement, enfin le suivi de la vie politique française et des organisations gaullistes. Ces thèmes de recherche historique sont étudiés à travers vingt-deux communications, essentiellement dues à des chercheurs des universités françaises, dont on peut mesurer, à la lecture des notices, combien leur communauté se rajeunit et s’ouvre sur l’extérieur. Aucun aspect de l’action, de l’influence, de Jacques Foccart n’est omis, pas plus que la reconstitution de l’ambiance des années qui leur servent de cadre, et cette richesse invite, autant qu’aux approches spécifiques qu’impose le genre même de l’ouvrage, à une approche croisée.
L’ouvrage n’apporte que peu d’éléments à la biographie du personnage. Il a surtout le mérite de mieux le situer au sein de la nébuleuse gaulliste, et au sein d’une politique. La nébuleuse, c’est ce service de l’État qui n’est pas vraiment celui des grands commis, mais plutôt celui de ce qu’on pourrait appeler, sans nuance péjorative, des conjurés, le serment en l’espèce étant celui prêté au Général, à travers la Résistance, puis le RPF. La politique, c’est la défense de la République, à la fois dans la consolidation du projet institutionnel élaboré depuis 1946 et mis en œuvre en 1958, et dans ses prolongements outre-mer. L’intérêt des communications est de contribuer à relativiser la mythologie qui s’est attachée au personnage, du fait du caractère discret de ses missions et de son goût personnel pour l’ombre et la clandestinité.
Foccart apparaît, en dépit de ses qualités d’organisateur, comme un exécutant, et non comme un initiateur. Sa force est justement d’appliquer, sans faiblesse, des choix faits ailleurs, avec des moyens qu’on le laisse libre de définir, et qui, justement parce qu’ils sortent souvent de la régularité, n’engagent pas vraiment l’État (SDECE en Afrique, SAC, emploi de mercenaires comme le célèbre Bob Denard). Par ailleurs, sa politique subit des échecs qui relativisent la portée de son pouvoir (du moins du point de vue qui est le sien, par exemple au Niger et à Madagascar). Ces archives révèlent aussi l’action de certains de ses collaborateurs, comme René Journiac, ou de partenaires privilégiés, comme le président Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, ou encore la diversité de ses réseaux relationnels. Par ailleurs, l’individu lui-même s’efface souvent derrière une documentation qui amène à dépasser son simple rôle. La nature des archives réunies par Foccart ou les agents de son service ne paraît pas seulement (ou pas du tout) préciser ses positions sur tel ou tel
dossier ; elle fournit aussi de nouveaux éléments à propos des sujets
que ses fonctions ou sa situation lui ont fait rencontrer.
Indiquons pour terminer que le livre est richement illustré d’une trentaine de photographies inédites, et d’un précieux cahier de huit cartes en couleur, très significatives des représentations historiques de l’outre-mer postcolonial. Une biographie courte, mais non sommaire, de Jacques Foccart, un plan de l’inventaire des archives du fond, une riche bibliographie, et un index détaillé contribuent à faire de ce livre un ouvrage de référence. Il convient de féliciter les PUPS (Presses universitaires de Paris Sorbonne/Paris IV) de la rare qualité de cette publication, qui témoigne de leur capacité à être élevées au statut de maison d’édition à part entière.
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