Auteur | Nicolas Rouillé |
Editeur | Anacharsis |
Date | 2018 |
Pages | 491 |
Sujets | Papouasie Roman |
Cote | 61.995 |
Comme le disent la quatrième de couverture et les premières pages de l’ouvrage, celui-ci relève de l’enquête. Mais d’une enquête romancée. Précisons : l’auteur a perçu une bourse d’écriture de sa région de résidence, Midi-Pyrénées. Il a effectué plusieurs séjours à Timika et son livre commence par deux cartes, l’une générale centrée sur l’Indonésie et sa province la plus orientale, la Papouasie Occidentale, l’autre itinéraire de la côte à Timika, mine d’or extraordinaire par son potentiel, exploitée industriellement et sans grand respect écologique.
S’il en était besoin, on constaterait que nous avons plutôt là un « Eastern Papou ». Mais trêve de mots, bons ou moins bons. Nous conserverons donc le mot « Western » car il évoque bien d’autres ruées vers l’or.
Si comme souvent l’ouvrage, ici baptisé « roman », s’inspire de faits réels, il mobilise nombre d’acteurs parfaitement fictifs. Mais au-delà, nous sommes en présence d’un ouvrage engagé, décrivant au-delà des aventures le sort réservé à des Papous à la fois révoltés et résignés. Ce par leurs propres « compatriotes » indonésiens de Java ou de Sumatra, aveugles comme tout colonisateur à ceux qui ne leur ressemblent pas.
L’un des héros, Sutrisno le javanais, après une traversée sur un pont encombré et piaillant, débarque en Papouasie Occidentale, emprunte un taxi jaune qui arbore sur son pare-brise « God on our side » (titre du premier chapitre) et se rend avec bien d’autres à Timika, berçant comme ces autres des rêves de fortune en marge de la mine de Freeport, soit grâce à leurs diplômes, soit comme orpailleurs dans les déchets immondes de la mine.
D’autres héros, papous ceux-là, mènent une lutte mal armée contre l’occupant javanais mais aussi trempent dans des trafics louches. « Peuple à l’agonie ». Nous les suivrons tout au long d’un épais roman – engagé, comme il a été dit.
On revit une histoire coloniale : la compagnie américaine qui exploite au mépris des règles élémentaires de précaution écologiques la plus grande mine d’or du monde, l’armée indonésienne qui la protège, les compromissions, turpitudes et concussions dont s’accompagne l’entreprise, le sort des miséreux qui grappillent les restes et déchets, le peuple papou déculturalisé…
Écrit dans un style vivant et vivace, ce roman foisonnant se termine par une « Note de fin » dont un bref extrait parlera mieux que de longs commentaires : « …La Papouasie occidentale est un tel sac de nœuds que nous avons dû tirer de nombreuses ficelles, mais à mesure que les liens se défaisaient, nous nous sommes éloignés : les vallées isolées des hautes montagnes, les docks surchauffés de Jakarta, les pentes du volcan Slamet, un campus à Melbourne. Nous avons couru en tous sens, la focale s’est élargie, pour un peu nous nous retrouvions à Washington… ». D’où le foisonnement.
Ceci dit, l’ouvrage se lit sans déplaisir et sa profusion n’égare pas. Reste à savoir si l’engagement affiché par l’auteur convaincra le lecteur. Sans vouloir faire des comparaisons qui ne seraient pas raison, l’ouvrage rappelle d’autres œuvres, tels plusieurs livres de Joseph Conrad, tel notamment « Au cœur des ténèbres », ou le « Batouala » de René Maran.
On rappellera que cet ouvrage est le second du même auteur, à la bibliographie restreinte car ses centres d’intérêt sont ailleurs que dans l’écriture : « Le Samovar », qui relate un autre genre de marginalité et de contestation sociétale : celle d’un squatter qui était promis à une vie plus confortable et aisée mais qui se refuse à cet avenir de « papier glacé ».
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