Auteur | Fady Noun |
Editeur | Nouvelle cité |
Date | 2019 |
Pages | 125 |
Sujets | Charbel Makhlouf 1828-1898 saint Enseignement Vie spirituelle Christianisme 19e siècle |
Cote | In-12 2540 (MSS) |
Fady Noun, écrivain et journaliste libanais, chroniqueur au quotidien beyrouthin francophone L’Orient, Le Jour pour les questions religieuses, a rédigé cette biographie du grand saint libanais, Mar Charbel (1828-1898), né Youssef Makhlouf, qui est devenu le saint patron du Liban.
Mar (Saint) Charbel est entré comme deux de ses oncles maternels dans l’Ordre Libanais maronite, créé par le Père Abdallah Carali (1672-1742) dans la montagne libanaise. Cette congrégation a repris la formule de Saint-Benoît « Ora et Labora », qui était en fait empruntée au monachisme égyptien tel que l’avaient conçu Saint Antoine et son disciple Saint Pacôme, exigeant des règles contraignantes que va s’imposer à suivre Mar Charbel au prix d’une ascèse inhumaine. A 23 ans, ce dernier quitte son village familial de Békaa-Kefra pour ne jamais y revenir. Il réside dans les monastères Notre-Dame de Mayfouq, puis Mar Yacoub de Batroun pour finalement rester définitivement au couvent Saint-Maroun d’Annaya, où il sera ordonné en 1859. Là, après 16 ans de vie communautaire, il obtiendra de mener une vie érémitique 23 autres années dans l’ermitage surplombant le couvent, mais sans renoncer aux exigences de sa mission. Il refusera par contre d’occuper une fonction de gouvernance dans sa communauté, s’imposant la charge la plus modeste de « novice à vie ».
Ce moine modèle n’est pas reconnu par ses pairs pour ses vertus. Son obéissance sans limites est raillée par les autres moines et, avec l’auteur, nous sommes révoltés par les humiliations que moines et laïcs du monastère font subir à celui qu’ils considèrent comme simple d’esprit. M. Noun donne à ce propos cette explication profondément humaniste : « Il y a un côté fol-en-Christ incompris dans son souci de n’agir que par obéissance et de respecter la règle monastique jusqu’à l’excentricité, mais, c’est à ce prix que Saint Charbel… a touché des cimes encore inexplorées » (p.54).
Ce saint ne se ménageait pas ; à la fin de sa vie, les coliques néphrétiques le faisaient gémir de douleur lorsqu’il bêchait la terre, se refusant à boire plus d’une fois dans la journée. Il portait sur lui un cilice en poils de chèvre et une chaîne à pointes autour de la taille.
Mais il ménageait son entourage ; lorsque certains faits inexpliqués surgissent autour de lui, comme cette lampe à huile qu’un domestique facétieux avait remplie d’eau et qui l’éclaire pour lire pendant la nuit, ou que la foudre qui a frappé la chapelle où il priait l’a laissé intact. Lorsque le Père Supérieur le prie d’asperger d’eau bénite les champs du couvent envahis par les criquets et que les voisins musulmans de Tourzaya le sollicitent également, il s’exécute et l’invasion cesse. Plusieurs cas de guérison sont signalés. Il renouvelle par la prière les stocks de blé et d’huile du couvent.
Aujourd’hui que les miracles attribués à Mar Charbel sont signalés dans le monde entier, les fidèles, dont beaucoup de visiteurs musulmans, participent à la messe mensuelle qui a lieu le 22 de chaque mois, et au cours de laquelle le prêtre lit les témoignages de guérison urbi et orbi, devant un auditoire profondément ému et recueilli.
Fadi Noun nous rappelle les phénomènes d’exhumation du corps de Mar Charbel en 1924 ; le Père Aouad toucha son corps qui était incorrompu. Le procès en béatification se tint de 1926 à 1928. Ce corps d’ailleurs demeuré souple puisqu’on pouvait plier ses membres, exhumait constamment une sueur sanguine. Fadi Noun nous livre cette réflexion judicieuse « On est en présence d’une sainteté si haute qu’elle la rend comme étrange à la race humaine » (p.7).
Mar Charbel n’avait jamais été photographié de son vivant ; or, le 8 mai 1957, des séminaristes visitent l’ermitage, se prennent en photo, et après le développement de la pellicule, apparut un moine parmi eux, que ceux qui l’avaient connu désignèrent comme Mar Charbel.
Béatifié en 1965, canonisé en 1977, Mar Charbel est plus populaire que Mar Maroun, premier Patriarche libanais du Ve siècle. Cette biographie commence par un rappel de la constitution d’une communauté maronite qui allait se réfugier dans la montagne libanaise, longtemps assiégée et confinée sur un petit territoire, et qui, au XXe siècle, allait par son Patriarche venu à Versailles, obtenir la création d’un nouvel État. En effet, Mar Charbel vivait dans une petite portion de l’immense Empire ottoman sans contact avec le vaste monde. Aujourd’hui il est, après le Cèdre, le deuxième symbole d’un petit pays qui garde grâce à lui de grandes espérances.
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