Publié peu avant le scrutin d’octobre 2020, deuxième vote contre l’indépendance après celui de 2018, cet ouvrage bien documenté présente un point complet de la situation originale de la Nouvelle-Calédonie.
C’est un travail de journalistes professionnels qui s’appuient sur des éléments historiques et des témoignages actuels. On y retrace l’histoire locale depuis la prise de possession par la France en 1853 suivie de l’installation des bagnards puis des communards mais aussi des insurgés Kabyles déportés, l’insurrection Kanak de 1878, l’instauration du régime de l’indigénat en 1887, le soulèvement de 1917 qui marque le début d’une renaissance identitaire, la suppression du régime de l’indigénat en 1946 comme dans le reste de l’Empire.
Les différentes communautés sont présentées avec leur histoire propre, leurs spécificités mais aussi leurs diversités internes actuelles compte tenu des mixités et des évolutions intervenues au fil du temps. S’agissant des Kanak, on regrettera l’absence totale de référence aux trois millénaires de leur présence préalable sur cette terre, qui les enferme en quelque sorte dans une « histoire » bien limitée, tout en prétendant défendre leur culture et leur identité … d’avant l’arrivée des Français.
Le drame d’Ouvéa en mai 1988 est au cœur de l’ouvrage ; il fait l’objet de nouvelles révélations qui expliquent mieux comment Michel Rocard a pu faire aboutir les accords de Matignon en juin 1988, suivis de celui de Nouméa en 1998 qui organise une période de réflexion et d’expérimentations politiques et sociétales de vingt années, aboutissant à deux ou trois référendums.
Au-delà de ces aspects factuels, l’ouvrage de Joseph Confavreux met en scène deux visions du monde bien différentes : du côté Kanak, un homme collectif intégré à la nature s’emploie à relier, concilier, accueillir et acclimater ; de l’autre un Occidental présenté comme individualiste insoucieux de son environnement, exclut, sépare, divise les réalités pour mieux les faire-valoir à son seul profit. Un savoir-être s’opposant en quelque sorte à un savoir-faire.
Ce cliché réducteur est toutefois mis à l’épreuve des faits par quantité de contradictions et de paradoxes. Le plus douloureux est le constat du désintéressement de la jeunesse Kanak désœuvrée et souvent délinquante, que ce soit pour la « coutume » ou pour le « modernisme » incarné par l’Occident.
Une postface signée d’Edwy Plenel et intitulée « Le dernier empire colonial » vient clôturer l’ouvrage avec une vision politique affirmée aux élans de repentir, qui tend à démontrer que « la question coloniale est un révélateur impitoyable où se jouent la vérité de l’humanisme et la réalité de l’égalité ».
Le mot de la fin reviendra, il faut le souhaiter, à un Kanak qui déclare que « le mot décolonisation n’a plus de sens aujourd’hui, il s’agit d’un pays en devenir ».
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