Écrits sur la Chine

Recension rédigée par Jean Nemo


L’auteur, polyglotte averti, est mort prématurément d’un cancer foudroyant, à soixante-six ans, quasiment avant de s’être fait un nom parmi les sinisants reconnus. Ceci pour expliquer que pour un sinisant plus « classique », il soit moins connu, encore moins reconnu comme l’un des sinisants majeurs d’aujourd’hui.

Il est vrai qu’il s’est fort dispersé (maître de conférences à l’EHESS, directeur du centre de recherche sur la Chine contemporaine…), qu’il a beaucoup écrit en langues étrangères…

Paradoxalement, une postface de son ami Maurice Godelier et une présentation par ses non moins proches Sébastien Billioud et Laure Zhang-Thoraval permettent de le situer et de situer son dernier ouvrage.

Ces rappels sommaires sur l’auteur avant de commenter ce dernier ouvrage qui vient tout juste de figurer au catalogue BNF, en tête de liste devant plusieurs ouvrages collectifs.

Une première Partie est consacrée aux regards anthropologiques (le concept chinois de nation est-il « obscur » ? Á propos du débat sur la notion de minzu dans les années 1980 – L’usage de la notion « d’ethnicité » appliquée à l’univers culturel chinois – Religion ethnique, religion lignagère. Sur la tentative « d’islamisation d’un lignage Han de Hainan. – Pourquoi les « religions chinoises » ne peuvent-elles apparaître dans les statistiques occidentales ? – Passage entre les mondes visible et invisible. Perspectives sur la mort en Chine).

La seconde Partie est plus directement consacrée à la philosophie en Chine (De la philosophie en Chine à la « Chine ». Notes en réponse à la question : « Existe-t-il une philosophie chinoise ? » - De Königsberg à Paris, de Tokyo à Pékin. Langues nationales et traditions philosophiques dans la première réception de la pensée de Kant en Chine – De la magie à la « raison », Hegel et la religion chinoise – La tentation pragmatiste dans la Chine contemporaine.

Une troisième Partie concerne les destins contemporains du confucianisme (Idéal du sage, stratégie du philosophe. Introduction à la pensée de Mou-Zongsam (1909-1995) – La Chine et le confucianisme au défi de la modernité – Sur la transformation de la pensée néo-confucéenne en discours philosophique moderne. Réflexions sur quelques apories du néoconfucianisme contemporain – Le Ciel et la Terre, le souverain, les ancêtres et les maîtres. Quelques remarques sur le politico-religieux aujourd’hui en Chine.

La quatrième Partie est consacrée à l’histoire culturelle, éléments sans lesquels le lecteur n’aurait qu’une vision tronquée de la situation chinoise (« La fièvre culturelle chinoise » : de la stratégie à la théorie – La tradition rêvée. Réflexions sur L’Élégie du Fleuve de Su Xiaokang – Conscience historique et imaginaire social. Le débat intellectuel des décennies 1980 et 1990).

Suivent les incontournables index, la bibliographie générale et celles des écrits de l’auteur. Les rappels ci-dessus des quatre Parties, pour « scolaires » qu’ils soient, permettent de bien situer l’auteur et l’ouvrage.

Leurs approches sont relativement novatrices, l’ouvrage est de fort bonne qualité éditoriale et scientifique, il apprendra au lecteur « averti ». Attention, celui qui ne l’est pas devra au préalable s’informer à d’autres sources plus « classiques » (René Grousset, Pierre Gourou, Marcel Granet, Shi-Nan-An et son « Bord de l’eau », les philosophes confucianistes et taoïstes dans « La Pléiade », j’en passe de fort connus, par exemple le Sûtra du Lotus, tel que suivi du « Livre de la contemplation universelle »).

Car si l’ouvrage et son auteur sont fort intéressants par une approche raisonnablement novatrice, ils ne sauraient faire oublier quelques noms significatifs des générations précédentes, tels ceux évoqués au paragraphe précédent.

Sans vouloir être désobligeant (loin de moi cette pensée), cet ouvrage a dû être édité sous l’impulsion des amis de l’auteur trop tôt disparu. Il suppose cependant une connaissance raisonnable de la Chine d’hier et d’aujourd’hui, d’où mes rappels pédants aux prédécesseurs dans la connaissance érudite.  

Cette « non-réserve » doit être complétée par la reconnaissance de l’excellente qualité scientifique de l’ouvrage, la rigueur déjà mentionnée des annexes bibliographiques. On regrettera sans doute l’absence de cartes et autres illustrations mais dans ses publications d’origine elles étaient sans doute rares !!!

Bref, un ouvrage à recommander au lecteur déjà « averti » par ses lectures précédentes.