Auteur | Stephen Smith, Jean de La Guérivière |
Editeur | Tallandier |
Date | 2021 |
Pages | 378 |
Sujets | Développement humain Afrique |
Cote | 63.672 |
Les « Dictionnaires de » qui font florès, et autres traités en 50 ou 100 questions, présentent inévitablement un risque d’éparpillement de l’information au détriment de la cohérence d’une réflexion donnant sens au projet éditorial. Le livre consacré à l’Afrique par Stephen Smith et Jean de la Guérivière, deux fins connaisseurs du continent, échappe à ce piège du saucissonnage. Dans la série infinie des publications intitulées « Afrique », un sous-titre, « 2,5 milliards de voisins en 2050 », propose un fil conducteur. On reconnaît d’emblée la patte de Stephen Smith et on comprend, pensant à son livre choc « La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route vers le vieux continent » (Grasset 2018), qui sont les voisins. Le livre dépasse cependant, et de beaucoup, la seule question démographique. Pour être essentielle, celle-ci ne mobilise qu’une fraction des cent questions abordées dans un ouvrage qui, en 380 pages, dresse un vaste panorama du continent africain. Dans leur quatrième question, Ne vaudrait-il pas mieux parler « des Afriques » ? les auteurs s’interrogent à juste titre sur la difficulté de traiter de l’Afrique au singulier tout en prenant en compte son extraordinaire diversité. Dommage qu’aucune référence ne soit faite au volume de la Géographie Universelle publiée sous la direction de Roger Brune en 1994 et précisément intitulé « Les Afriques au sud du Sahara ».
Cela dit, l’association entre les deux auteurs, voire leur complicité, fonctionne parfaitement et offre au lecteur une riche moisson de faits et d’idées, fruit de longues années de fréquentation du continent africain. Il est très difficile, au-delà de la démographie, de faire le partage de ce qui revient à l’un ou à l’autre, si ce n’est que les aspects culturels reviennent sans doute plus largement à Jean de la Guérivière. La proximité de point de vue et de sensibilité confère à l’ouvrage une unité appréciable.
Les cent questions sont regroupées en huit rubriques : L’Afrique des origines, Colonisation et décolonisation, L’Afrique indépendante, La politique, La société, L’économie, La culture, Géopolitique. Sans rechercher l’originalité, ce regroupement est efficace ; il donne au lecteur des clés pour comprendre la complexité d’un continent à la fois très divers tout en étant confronté à de communs défis. L’information, abondante, aborde de multiples sujets, croise profondeur historique et actualité en intégrant notamment les conséquences de la pandémie de Covid 19. Elle n’est cependant pas exempte de quelques erreurs, notamment dans les chiffres : le fleuve Congo ne mesure pas 2 900 km (p 18), mais 4 700 ; il est évidemment impossible « qu’un tiers du corps enseignant français » ait pu « exercer son métier en Afrique, comme c’était le cas à la fin des années 1970 » (p. 287) … ; de même que le théâtre des opérations du G5 Sahel ne peut être « quatre-vingt fois grand comme la France métropolitaine » (p 320). Enfin, faute sans doute de terrain récent, « la construction, avec des concours chinois, d’Inga III », est donnée comme acquise (p. 205), alors qu’on en est toujours au stade de projet.
Quelques bévues ne retirent cependant rien à l’intérêt d’un texte qui aborde sans tabou des questions sensibles comme les conséquences de l’esclavage et de la colonisation, le génocide au Rwanda, la corruption etc. On appréciera en particulier les questions relatives à la politique, la culture et la géopolitique. Forts de leur longue expérience africaine, Stephen Smith et Jean de la Guérivière portent un regard lucide contribuant à la compréhension d’un continent dont la proximité de l’Europe ne peut laisser indifférent car il est le théâtre d’une explosion démographique sans précédent.
Les recensions de l'Académie de Académie des sciences d'outre-mer sont mises à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transcrite.
Basé(e) sur une oeuvre à www.academieoutremer.fr.