La France d'outre-mer : terres éparses, sociétés vivantes

Auteur Jean-Christophe Gay
Editeur Armand Colin
Date 2021
Pages 285
Sujets France
Départements et régions d'outre-mer
Cote 63.748
Recension rédigée par Christian Gaudin


Jean-Christophe GAY, agrégé de géographie, professeur des universités, ancien membre de l’ORSTOM est aujourd’hui chercheur à l’IRD. Il a codirigé l’Atlas de la Nouvelle-Calédonie et a passé une douzaine d’années dans les océans Indien et Pacifique. Ses recherches portent sur les outre-mers européens, les discontinuités spatiales et l’insularité.

L’ouvrage évoque en introduction cette France lointaine, méconnue et dispersée à travers le monde, composée de sociétés étonnamment vivantes et permettant d’apprécier sous un jour différent la République française. On va utiliser la locution adverbiale FOM pour France d’outre-mer. Si celle-ci ne représente plus que le centième de l’empire colonial de 1930, elle en est issue et ce réseau en étoile ne regarde que vers le centre qui est la Métropole.

Les différentes entités qui composent aujourd’hui la FOM, provenant de l’immensité coloniale, ont fait l’objet de nouvelles relations par un lien fondamental avec la Métropole permettant de comprendre les statuts actuels, fondement de leur fonctionnement et de leur dynamique. L’auteur précise ces évolutions statutaires entre les collectivités assimilées par départementalisation (DOM) à la Métropole et la spécificité et l’hétérogénéité des TOM par un statut à la carte, faisant de la FOM un véritable laboratoire institutionnel. Malgré son éloignement, la FOM bénéficie de la construction européenne, par assimilation, les DOM sont des régions ultrapériphériques (RUP) et certains TOM sont associés aux pays et territoires d’outre-mer (PTOM).

En ce qui concerne les populations d’outre-mer, l’auteur signale que l’histoire de la FOM se lit sur les visages des habitants. Les peuples autochtones occupent une place à part, arrivés parfois récemment à l’échelle de l’histoire de l’humanité, elles contrastent avec les populations exotiques qui attestent de la colonisation. L’arrivée des européens constitue un événement capital, mais deux ensembles s’opposent : les iles vides d’hommes et celles déjà habitées. Les conséquences de la colonisation et de l’esclavage rendent ces sociétés très inégalitaires et précaires avec des populations fragilisées et des trajectoires démographiques apportant des situations très disparates dans la FOM.

Entre atouts et crises, l’auteur porte une analyse judicieuse de cette France de l’outre-mer en souffrance… pourtant dotée d’un territoire maritime gigantesque et d’une biodiversité exceptionnelle.

 Ainsi l’outre-mer donne à la France la deuxième plus vaste zone économique exclusive (ZEE) du monde, mais la promotion de cette dimension maritime n’est que balbutiante, la France n’exploite que très faiblement ces 10 millions de km2. La FOM dispose aussi d’un remarquable patrimoine floristique et faunistique puisqu’elle concentre 80% de la biodiversité française ; mais ces milieux sont menacés par des activités humaines ou par l’introduction involontaire d’espèces animales ou végétales, les dispositifs de protection en espaces protégés étant trop tardifs.

Mais les crises sont de diverses origines… les aléas atmosphériques, la menace cyclonique… ou géophysique, les volcans, les séismes… ou biologiques, les épidémies récurrentes… Ce sont aussi les scandales sanitaires : les essais nucléaires, la chlordécone....

Cependant, la forme chronique de la situation de crise concerne les économies ultramarines qui souffrent toutes des mêmes maux : chômage, faible productivité, vie chère, inégalités salariales, surrémunération des fonctionnaires… Ce sont des économies assistées, isolées, protégées et sous-fiscalisées. La prospérité est factice, reposant d’abord sur les transferts publics colossaux de l’État et dans une moindre mesure de l’UE.

L’auteur propose ensuite d’approcher les territoires par une analyse statistique en composantes principales (ACP) sur les onze collectivités ultramarines et la Métropole.

L’analyse à des échelles diverses permet d’aborder les questions d’aménagement et cerner les inégalités socio-spatiales, les disparités régionales, les phénomènes d’enclavement… Plus qu’en Métropole le contraste des centres et des périphéries est prégnant en FOM, où l’insularité, la topographie accidentée, rendent l’espace plus rugueux qu’en Europe continentale.

En conclusion, un questionnement est laissé au lecteur…

Comment en effet ne pas être choqué par les scandales sanitaires récents ou les dysfonctionnements de certains services publics qui témoignent d’une forme de mépris à l’égard des populations ultramarines ? Comment ne pas voir au-delà de ces faits, l’arrière-plan colonial qui ne serait pas totalement estompé ? Comment ne pas voir également au travers de la dépendance financière, des inégalités criantes de revenus, des logiques de domination métropolitaine anciennes et toujours à l’œuvre ?

Mais ajoute l’auteur : Comment ne pas être admiratif devant cet univers créole, longtemps méprisé et combattu par la puissance coloniale et qui a engendré des cultures originales et captivantes ?

Jean-Christophe Gay en revient à ce principe fondamental qui fait qu’au-delà de la profonde altérité de ses sociétés, bien des traits de la FOM ne sont que des formes exagérées, par rapport à la Métropole, de l’étatisme français.

 


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