Auteur | Omar Merzoug |
Editeur | Flammarion |
Date | 2021 |
Pages | 414 |
Sujets | Avicenne (0980-1037) Biographie |
Cote | 63.870 |
Docteur en philosophie, auteur de Existe-t-il une philosophie islamique (Paris Cahiers de l’islam 2014 puis 2018) dont nous avions fait la recension dans ces colonnes, M. Merzoug en avouant qu’« Avicenne est un auteur difficile même pour les philosophes de métier » (p.253), nous révèle qu’Avicenne était à la fois un philosophe, un savant, un artiste, un poète (p.319).
Ali Ibn Sina naît à Afshana (Ouzbékistan actuel) en 980, à proximité de Boukhara, grand centre commercial dirigé par la dynastie samanide qui encourageait les sciences et les arts (p.26). Son père, préfet et régisseur des impôts, secrètement ismaélien dans un milieu sunnite, encouragea Avicenne à l’étude (p.29). Avicenne enfant apprend par cœur le Coran à la mosquée ainsi que le fiqh (p.54), maîtrisant parfaitement l’arabe en plus du persan, sa langue maternelle. Un philosophe itinérant l’initie à l’Isagogé de Porphyre (p.65), aux Eléments d’Euclide, à l’Almageste de Ptolémée, auxGemmes de la Sagesse d’Al Farabi (p.71). De 12 à 14 ans, il s’intéresse à la médecine, inspiré par Galien avec lequel il partage « le goût de la vérité, la réhabilitation de l’expérience, le souci de donner à l’art médical une ferme assise philosophique ». Il guérit l’Émir qui l’autorise à bénéficier de sa bibliothèque (p.77). Le régime politique à Boukhara menacé par Mahmoud le Ghaznévide, Ibn Sina va s’établir à Gûrgandj où l’Émir le reçoit à la cour (p.97) et où il rencontre Al Biruni. Puis il fuit à nouveau vers Gûrgân au Sud-est de la Caspienne. Il y rencontre Al Jawzajâni qui sera son biographe (p.81). De Gûrgân, il se rend à Ray où il exerce comme médecin, se voit nommé conseiller par la Régente, mère et adversaire du Prince héritier. Déçu, il s’installe à Hamadhan (225) où il aura des fonctions officielles contestées puis à Isfahan (p.284) où il sera philosophe et médecin de Cour. Il y décède en 1037.
Ses principaux ouvrages sont le Canon de la Médecine, encyclopédie remarquable par sa clarté pédagogique pour l’époque (p.182). Traduit par Gérard de Crémone (1114-1187), il a été réimprimé 36 fois aux XVe et XVIe siècles. La puissance synthétique de l’exposé devait rendre d’éminents services aux praticiens (p.12). Jusqu’au XVIe siècle, il sera le livre le plus diffusé après la Bible. Le Shifa’ (Livre de la Guérison) est le traité exhaustif de ce qu’il faut bien nommer la philosophie islamique(p.254) ; il signe la fondation de la philosophie constituée comme système (p.274).
Pour Avicenne, la seule finalité digne de l’homme est de graviter vers Dieu en s’en rapprochant par la connaissance (p.17) et pour cela « faire consonner religion musulmane et philosophie grecque dans l’harmonie d’un système solidement charpenté » (p.175). Le Dieu d’Avicenne est Vérité, Bien pur et Intelligence. Les livres révélés en accréditent l’existence sans interdire l’accès à une saisie rationnelle (p.277). En fait, « Avicenne recherchait un outil logique pour penser la religion. Le recours factice à la littéralité du texte sacré ne lui en imposait pas. » (p.155)
Influencé par les Mutazilites pour lesquels « le savoir nécessaire au salut de l’homme ne pouvait être acquis sans le recours à la raison » (p.86), Avicenne étudie la Métaphysique d’Aristote en s’appuyant sur Les Dessins d’Aristote dans la métaphysique d’Al Farabi (p.87). Empreint d’une sensibilité chiite, il admet les thèses des philosophes touchant la Création (p.177). Pour lui, le rationalisme grec de tendance néoplatonicienne s’accorde avec le spiritualisme de la religion musulmane (p.180)). La philosophie est donc comme une médecine qui assainit l’âme, en prévient les erreurs (p.251).
Avicinien convaincu, M.Merzoug conclut que la vérité des versets coraniques se trouve dans une approche philosophique et la théorie d’Avicenne est la meilleure exégèse possible du Coran (p.293). Ce qui fut contesté par Ibn Taymiyya (1268-1347) et ses disciples anciens et contemporains (p.347).
Avicenne influença les penseurs européens, tout chrétiens qu’ils fussent (p.272), comme Thomas d’Aquin, Duns Scott, Roger Bacon, Albert le Grand (p.343).
Son œuvre est toujours étudiée par les philosophes, les historiens de la médecine et les médiévistes (p.335).
Une bibliographie copieuse et commentée (p.351 à 370), un index des auteurs cités (p.371 à 379), les repères chronologiques (p.381 à 384), un poème d’Avicenne (p.385-386), où l’on retrouve les clichés de la poésie traditionnelle, un index des noms de personnes complètent une biographie remarquablement écrite et qui nous permet de mieux comprendre la vie du plus grand philosophe de l’islam en la reliant à son œuvre, comme, seul, pouvait le faire, un philosophe de métier.
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