Auteur | Raoul Delcorde |
Editeur | Mardaga |
Date | 2021 |
Pages | 222 |
Sujets | Diplomatie |
Cote | 63.754 |
Notre confrère M. Raoul Delcorde avait publié en 2015 Les Mots de la diplomatie (Paris l’Harmattan) que nous avions recensé dans ces colonnes et où il relatait sa carrière diplomatique. Professeur invité à l’Université de Louvain, il décrit dans ce nouvel ouvrage son expérience de 35 ans (p.13), menée dans le cadre du Ministère belge des Affaires étrangères, à l’intention d’étudiants qui se destinent à la Carrière.
L’auteur a le sens des aphorismes quand il décrit le rôle des diplomates comme « L’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de l’autre » (p.15) ou « L’écoute est sans doute la première qualité du diplomate » (p.189). Il exige aussi qu’« vrai diplomate mette à profit ses postes pour s’imprégner des cultures étrangères. Cela nécessite de disposer du bagage intellectuel et linguistique adéquat » (p.186 et 188). D’ailleurs, le langage diplomatique est tellement intégré dans la pratique politique internationale que le langage non-diplomatique suscite de vives réactions (p.124).
La diplomatie est définie comme « un instrument de politique étrangère et de spécialisation de la science politique » (p.17). L’auteur reconnaît que « Machiavel était un diplomate moderne, envoyant des rapports sur le fonctionnement de la monarchie française (p.21). La profession prestigieuse de diplomatefut réservée à la noblesse jusqu’au XIXe siècle (p.27) ; la France en 1880, établit un concours obligatoire pour tous (p.29). Au XXIe siècle, la carrière diplomatique dans les pays occidentaux s’est progressivement féminisée (p.187).
Sur le plan historique, l’auteur rappelle que les Traités de Westphalie, marquant la fin de la guerre de 30 ans firent obtenir la paix par des négociations diplomatiques (p.24). Dans le même ordre d’idées, la diplomatie des sommets crée de la connivence entre les États et est dans la droite ligne de ces traités de 1648 qui faisaient coexister des États Souverains (p.106).
A l’époque contemporaine, l’économie joue un grand rôle dans la diplomatie, ; un ambassadeur est devenu un consultant gratuit au service des chefs d’entreprise, des exportateurs (p.69). Quant à la diplomatie d’influence, elle vise les acteurs non étatiques, partis politiques, faiseurs d’opinion, intellectuels, décideurs économiques (p.73). Les rencontres diplomatiques se passent désormais dans les lieux publics marqués par l’hybridation culturelle, c’est pourquoi la diplomatie publique se doit de créer des réseaux (p.81).
On est également passé à l’heure de l’e-diplomatie (p.81). Le mail a remplacé le télégramme et la valise diplomatique ne sert qu’à l’acheminement du courrier administratif ou des journaux (p.183). Aussi, les diplomaties s’intéressent à ces géants du net, les GAFA. La capitalisation d’Apple est à peine inférieure au PIB de l’Arabie Saoudite, celle de Google dépasse largement celui de l’Argentine (p.85). Grâce à Internet, la société civile aspire aussi à exercer de l’influence sur les options de politique étrangère (p.86).
La diplomatie parallèle ou « Track Two » permet d’éviter des affrontements qui pourraient conduire à une catastrophe mondiale ; il en fut ainsi tout le long de la guerre froide. Il s’agit de faire appel à des personnes influentes pour trouver une solution à des conflits ; l’accord euro-américano-iranien de 2015 en est un des plus récents exemples (p.113).
L’auteur répartit les 184 États-membres de l’ONU en grandes puissances qui bénéficient d’une capacité militaire, d’un poids démographique, d’un réseau diplomatique important (la Chine a 276 ambassades et consulats, les États-Unis 273, la France 267), d’une vigueur économique, d’un puissant soft-power (p.135). Le soft power français réside dans sa politique culturelle extérieure au travers de structures étatiques (p.76). L’Alliance Française, fondée en 1883 dispose de 800 établissements dans 130 pays. Parfois, les grandes puissances cèdent à l’hubris comme l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 (p.143). Sur le plan bilatéral, la Chine a instauré un dialogue bilatéral déséquilibré avec certains États (p.163).
Les puissances moyennes utilisent le multiculturalisme comme principe de base de leur diplomatie (p.147). Ainsi, la Turquie et l’Iran ont su développer des zones d’influence (p.166). Mais un monde en mutation pose de nombreux défis aux puissances moyennes : comment réagir au repli américain, à l’assertivité chinoise, à l’établissement d’un nouvel ordre mondial (p.149) ?
La communauté internationale donne beaucoup aux petits États en termes d’aide au développement (p.158) ; ils sont des candidats appréciés pour des missions de médiation et de maintien de la paix (p.155). D’ailleurs, pour défendre leurs intérêts, ils créent des unions comme l’Alliance des États Insulaires (p.153). On sera d’autre part surpris d’apprendre que le PIB de Singapour soit supérieur à celui de la Norvège (p.151).
Le multiculturalisme avait dominé la vie internationale depuis 1945 du fait de la protection des droits humains, du contrôle des armements, de l’aide humanitaire, de la circulation internationale des capitaux et des informations. Mais l’insécurité mondiale due au terrorisme (p.90), aux attaques contre la cybersécurité et les pandémies, contribuent à l’instabilité universelle (p.165). Aussi, M.Delcorde reproche à la politique étrangère européenne de continuer à être sur la défensive ; elle doit jouer un rôle plus important dans ce monde incertain (p.170).
Pour compléter cette analyse approfondie dans le domaine des études diplomatiques, le lecteur trouvera à sa disposition un utile lexique (p.201 à 212) et une bibliographie spécialisés (p.213-214).