La nuit nous emportera

Auteur Mahi Binebine
Editeur Robert Laffont
Date 2025
Pages 183
Sujets Maroc
Littérature contemporaine
Cote 69.454
Recension rédigée par Guy Lavorel


On connaît Mahi Binebine et ses romans qui font vivre ou revivre un monde particulier et des personnages attachants. Cet écrivain peintre et sculpteur sait nous séduire par ses croquis ou portraits, mais aussi par des dialogues vivants qui traduisent l’âme d’un pays.

Nous voici donc à Marrakech et on nous raconte l’histoire de ce « petit garçon frileux » dans une famille particulière où chaque personnage devient toute une histoire, une rencontre fabuleuse face aux événements. On va donc d’un pseudonyme à l’autre, tous étant d’une force de caractère bien ancrée, pour camper chaque être dans sa personnalité : Mamaya, la maman, tendre, mais exigeante et maîtresse de sa maison, autant que de sa nichée, malgré les difficultés ; Maman-du-bled, une notoriété aux émotions et rires partagés ; Abel le fils militaire créateur d’angoisse par son engagement ; et bien d’autres représentants de ce monde typique qu’on peut rencontrer dans cette ville, tant sur la grand-place ou le souk qu’en empruntant les boulevards et leurs richesses hôtelières…

Marrakech est, à l’image de sa place, un lieu de contes, d’échanges : l’auteur nous en rend compte, car chaque chapitre se présente comme une nouvelle, avec un titre approprié, sans doute ce qui donne cette vitalité au roman. Certains contes ou chapitres sont plus angoissants. Que devient Abel qui sait éblouir la famille mais qu’on attend dans ses permissions et qui inquiète quand l’armée est face au roi ? Et lorsque Mamaya en vient à un geste fatal, tout est bouleversé, le « petit garçon frileux » ayant perdu ses repères : « Nous voilà seuls, sans Abel, sans Mamaya, sacrifiés parce que les hommes l’ont voulu ainsi. »

Se dévoile alors ce qui fait l’intérêt du roman : « Écrire la vie avec sa grandeur, sa beauté, ses joies, ses peines, sa vilenie, ses lâchetés, sa violence. » Un témoignage d’un désormais orphelin, à prendre en considération.

Un roman attachant donc, à la bonne ambiance marocaine, mêlant la pétillante raillerie, le picaresque d’aventures sentimentales, gastronomiques, familiales aux aléas extérieurs, jusqu’à la tragédie de certains déchirements, quand le Destin s’affirme inexorable, par choix personnel, tant dans ce qui est fomenté contre le roi et qui échoue, que dans la disparition de cette famille qui a été l’apothéose de l’enfance… Si la nuit emporte, il en reste une fresque lumineuse.