Auteur | Jean-Louis Thiériot |
Editeur | Tallandier |
Date | 2024 |
Pages | 445 |
Sujets | Castelnau, Edouard de Curières de (1851-1944) Biographie France-Armée Biographies |
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L’auteur est un homme politique confirmé, député puis ministre, mais également un biographe reconnu de personnalités de premier plan, c’est pourquoi le « Castelnau » ne peut que susciter un grand intérêt. L’essentiel de l’étude porte sur l’action du général Henri de Curières de Castelnau durant la première Guerre mondiale mais le gentilhomme de province, comme les premiers engagements du jeune officier au sein de l’armée de la Loire de la guerre de 1870 sont rapportés avec suffisamment de précision pour que le lecteur puisse découvrir la forte personnalité du futur chef. Jusqu’au grade de général, il sert les armes de la France au milieu des tumultes de la République naissante mais sans participer aux guerres coloniales. Après avoir commandé son cher 37e régiment d’infanterie, période durant laquelle son style se définit complètement, c’est un chef humain mais exigeant.
La partie principale du livre porte sur les remarquables actions du général de Castelnau tant à la tête d’une armée que d’un groupe d’armée, qu’à l’état-major général auprès du futur Maréchal Joffre. Pour avoir lu avec une grande attention les mémoires de ce dernier, comme d’autres ouvrages, je trouve qu’il n’est pas nécessaire de diminuer Joffre pour remonter le général Castelnau dont les mérites sont exceptionnels, ce sera ma critique principale. De plus, la combinaison de ces deux officiers placés au plus haut niveau, l’un laïque l’autre fervent catholique, est une bonne illustration pour démontrer que toute promotion ou nomination n’est pas affaire de coteries. Les actions de guerre comme sauveur de Nancy, après la défaite de Morhange et la victoire de la trouée de Charmes, sont très bien expliquées. L’insubordination de Foch est rappelée avec raison, de même que le rôle néfaste des tenants de l’offensive à outrance ou des « jeunes turcs » du Grand quartier général qui savent tout sur tout.
Durant la première année du conflit, le général de Castelnau est aussi atteint dans sa chair, trois de ses fils sont tués au combat, il avait six fils officiers, voici de quoi laisser rêveurs tous ceux qui s’imaginent que les aristocrates ne se sont pas engagés à fond pour défendre la France et de facto la République. Il occupe le poste de numéro deux du Grand quartier général au moment du déclenchement de la bataille de Verdun, il y court et jette les bases de la nouvelle organisation du commandement local, à Pétain et à Nivelle ou Mangin, la gloire des résultats de cette terrible année 1916. Castelnau connaît comme la plupart des grands chefs de cette guerre des périodes de mise en retrait en fonction de qui est choisi pour commander l’armée française. Le nouveau commandant en chef Nivelle lui confie le commandement du groupe d’armées de l’Est, il le conserve avec Pétain et participe, sans être sur l’axe d’effort principal, à l’offensive victorieuse de 1918 aux ordres du commandant en chef des armées alliées, le Maréchal Foch. Les armées de Castelnau atteignent Colmar prêtes à une offensive en Allemagne qui n’aura pas lieu. L’auteur met bien en relief les qualités de stratège de Castelnau, son vif intérêt, dès leur apparition, pour les armes nouvelles, d’abord l’aviation puis les premiers chars.
Les trois premiers maréchaux sont Joffre, Foch et Pétain, les deux suivants sont Galliéni et Lyautey ensuite des généraux (Franchet d’Espèrey, Fayolle, Maunoury) dont le général de Castelnau aurait dû faire partie. L’auteur explique la position particulière de celui-ci comme député quand il parut nécessaire à des « amis » de faire voter un texte permettant d’en faire un maréchal alors que l’assemblée ne peut accepter de militaire d’active, ce que Castelnau serait redevenu s’il avait été élevé à la dignité de Maréchal de France. Le texte est refusé ! Celui que de très nombreux français et d’anciens combattants voulaient voir maréchal ne le fut pas. Les forces obscures avaient-elles gagné, l‘auteur le pense et moi-même aussi d’ailleurs, le piège était bien monté contre le « Capucin botté », appelé ainsi par Clémenceau. Ce n’est pas un drame pour Castelnau et d’ailleurs, il ne se laisse pas abattre.
La dernière partie du livre est passionnante car elle concerne l’œuvre politique et sociale et le rôle déterminant de Castelnau à la tête de la Fédération nationale catholique. Les derniers chapitres relatent ses actions contre le pacifisme et la peste brune avec une lucidité précoce et précise des menaces de l’Allemagne nazie. Il connaîtra les premières années de la troisième guerre contre l’Allemagne mais s’éteindra avant le succès des Alliés.
Une promotion (2011-14) de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr portera simplement le nom de « Castelnau », associant simplement le souvenir du général et celui du fils sous-lieutenant mort en 1914. En 2012, une alternance avait eu lieu, ceci explique sans doute cela, néanmoins, heureusement, le nom de Castelnau n’est pas près de disparaître de la mémoire des Hommes.
Le livre de Jean-Louis Thiériot est une réussite, les plus exigeants y trouveront matière à réflexions, tous les autres lecteurs ressentiront un très vif intérêt pour un officier qui, pour l’Histoire, restera une des fiertés de l’Armée française, celle de la victoire de 1918.