L’autre côté du mur : un récit chrétien palestinien de lamentation et d’espoir

Recension rédigée par Christian Lochon


L’auteur (1), pasteur luthérien de Bethléem se présente ainsi : « Je suis arabe, palestinien, chrétien, évangélique, luthérien » (p.105) et émet un double constat : quand Jésus est né, les enfants de Bethléem ont été les victimes d’un massacre de l’État (p.212) et aujourd’hui, au Moyen-Orient, nous assistons à la progression d’une mentalité d’État religieux (p.132). C’est à ce titre que le Révérend Munther Isaac nous propose « ce message pour le monde de l’autre côté du mur » (p.225).

1,8 million de Palestiniens (20%) dont 130.000 chrétiens vivent en Israël et 4,8 millions dont 46.000 chrétiens dans les territoires palestiniens (p.23). Les chrétiens palestiniens de 12% en 1918 sont réduits à 1,3% (p.209). Tandis que le PIB par habitant en Israël est de 42.000 $, celui des Palestiniens n’est que de 3.200 $ (p.27). La consommation d’eau à usage domestique par habitant des Israéliens est 4 à 5 fois supérieure à celle de la population du territoire occupé palestinien. L’injustice et l’inégalité sont la norme dans ce pays (p.26). La terre continue d’être confisquée de force aux Palestiniens, toujours déplacés, déshumanisés et discrédités (p.189). La conduite des colons est inacceptable ; la Cisjordanie n’appartient pas à Israël qui ne peut pas prétendre être en même temps juif et démocratique (p.131). Dans ces conditions, réclamer le droit des réfugiés au retour n’est pas de l’antisémitisme (p.135).

L’oppression contre les Palestiniens avait commencé avec la « nakba » en 1948 lorsque 530 villes et villages palestiniens furent complètement détruits, 750.000 Palestiniens expulsés et l’État d’Israël créé sur 79% de la Palestine historique (p.38). Récemment, la Loi controversée du 19 juillet 2018 stipulant « le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif » (p.131) a rompu avec les principes égalitaires de la Déclaration d’indépendance de 1948 (p.23). Le Mur de 885 km de long a été bâti à 90% en territoire palestinien, accaparant ainsi des terres palestiniennes (p.31). Il est fait pour séparer et mieux contrôler les Palestiniens (p.32).

Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de sionistes chrétiens que de sionistes juifs (p.60). Pour les sionistes chrétiens, l’État d’Israël est un accomplissement de la prophétie biblique (p.63). Le sionisme chrétien place Israël et non Jésus au centre du récit biblique (p.101). Mais la Bible parle aussi d’autres nations présentes sur cette terre (p.102). La Bible lue dans le contexte particulier de l’Exode (p.92) est utilisée pour justifier l’oppression des Palestiniens (p.75). Israéliens et Palestiniens ne peuvent pas dépendre de ce que la Bible a dit il y a des milliers d’années sur les descendants d’Ibrahim et d’Ismaël (p.105). Pourtant les groupes sionistes chrétiens financent massivement les colonies israéliennes en Cisjordanie construites sur des terres confisquées (p.62). Le sionisme chrétien est incompatible avec l’Évangile et la loi chrétienne (p.75).

Lorsque je pris, écrit l’auteur, la direction de l’association « Christ au Check Point », je ne m’attendais pas au niveau d’hostilité contre nous de la part de nombreux groupes chrétiens (p.44). C’est ainsi que je fus interdit de conférence aux États-Unis par des Évangéliques parce que Palestinien (p.49). Pendant des années, j’ai observé des pèlerins à Bethléem en me demandant : « Se soucient-ils de la souffrance des Palestiniens ? » (p.179). Des milliers d’étudiants, de pasteurs, de membres du clergé viennent ici et n’ont aucun contact avec les Palestiniens. Pour eux, cette terre est vide. L’histoire s’est arrêtée dans les années 7O (p.222). Méditons la remarque d’Abraham Heschel : le contraire du bien est l’indifférence (p.179).

Estimant que la justice est un thème central dans la Bible (p.175), des mouvements chrétiens palestiniens se sont mobilisés comme Kairos Palestine (p.143). En 2009, des laïcs chrétiens palestiniens, des pasteurs, des militants d’horizons ecclésiaux ont publié le document Kairos Palestine qualifiant l’occupation israélienne de « péché contre Dieu et l’humanité » et affirmant que toute utilisation de la Bible pour légitimer une injustice dépouille la Parole de Dieu de sa sainteté (p.75). En 2014, l’image du Pape priant debout devant le Mur restera gravée dans la mémoire des chrétiens palestiniens (p.182).

Les Palestriniens ont reçu également des soutiens de mouvements israéliens comme Voix Juive pour la Paix, qui milite pour la fin de l’occupation israélienne en Palestine, Rabbis for Human Rights, qui défend les droits humains dans les territoires palestiniens et dans les communautés bédouines ou Yesh Din (Volontaires D.H.), qui s’attaque aux violations des droits de l’homme liées à la saisie des terres et aux restrictions de l’accès des Palestiniens à leurs terres (p.137). L’occupation perturbe aussi l’esprit de nombreux Israéliens (p.141).

 Il conviendra de rappeler l’institutionnalisation du Dialogue Islamo-chrétien promue par l’association A Common World, la Déclaration de Marrakech en 2016 sur les droits des minorités religieuses, le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et le vivre ensemble co-écrit par le Vatican et l’Université d’Al Azhar. En Palestine même, l’auteur a contribué à créer le Forum académique pour le dialogue interreligieux entre le Bethléem Bible College et l’Université An Najah de Naplouse (p.159) ; c’est que le Coran et la Bible défendent tous deux l’unicité divine (p.161).

Ce livre a été écrit parce que l’auteur garde l’espoir que les Palestiniens et les Israéliens partagent un jour cette terre (p.20), l’objectif n’étant pas la fin de l’occupation mais bien davantage la réconciliation (p.144), car il est illusoire de croire que la vie sous occupation deviendra la norme (p.219). Le débat doit avoir lieu dans le cadre de l’éthique et de la morale et non dans celui de l’interprétation de la Bible (p.106).

Avec l’auteur, il faut recommander que les chrétiens d’Occident cessent de regarder les Palestiniens et les Juifs en fonction de leurs ancêtres supposés ; qu’ils les jugent sur la valeur de leur personnalité (p.126).

 

          (1)       Comme ce livre était en train d’être publié lors de l’attaque-surprise du 7 septembre 2023, l’auteur ne fait que la mentionner dans la note 22 de la page 190