Sociétés coloniales et post-indépendances : quels lieux du politique ? Journée d’études organisée par la Société française d’histoire politique (SFHPo) en partenariat avec l’unité de recherche Tempora (université Rennes 2). 12 mai 2023
Parmi les multiples champs au sein desquels se manifestent l’inégalité et la domination en situation coloniale, le politique fait partie des plus immédiatement visibles. Détention directe ou indirecte du pouvoir par une puissance étrangère, inégale distribution des droits civiques parmi les populations, choix discrétionnaire des figures d’autorité autochtones ou encore mainmise administrative en sont quelques-unes des caractéristiques. Ces particularités du politique en situation coloniale ne sont pas que de seuls états de fait, mais s’inscrivent aussi concrètement et matériellement dans un espace généralement ségrégué. Après les indépendances, celui-ci est le plus souvent repensé et réinvesti dans le cadre de nouvelles dynamiques politiques. Il s’agit dès lors de penser, dans une perspective dynamique, un politique localisé et spatialisé, obéissant à de nouvelles logiques de pouvoir, riche de ses dimensions matérielles et pratiques, mais aussi symboliques, cadre et manifestation du pouvoir – comme des interactions auxquelles il donne lieu. Il s’agit également de le penser en tension, toujours fragile et sujet aux contestations et aux remises en question.
C’est à ces lieux du politique dans les mondes coloniaux et post-indépendances, entendus dans leur dimension la plus large, que cette journée d’études entend consacrer son attention. Le comité d’organisation souhaite mettre la période coloniale en perspective en l’inscrivant dans une chronologie large, la dépassant en amont et en aval. Il désire également que soit envisagé un cadre géographique étendu et non-restrictif afin d’encourager une approche diversifiée et comparative. Par leur double dimension, à la fois coloniale – ou marquée par le fait colonial – et politique, les lieux du politique qu’il s’agit ici d’explorer revêtent des dimensions spécifiques qui pourront être investies au fil des axes généraux suivants :
Axe 1 – Les lieux du politique : entre colonisation et contestations
Pour étudier les lieux du politique, il sera d’abord nécessaire de les localiser et de les identifier. Il pourra s’agir des lieux où le pouvoir politique est installé, avec des implantations parfois concurrentes ou complémentaires, mais également de lieux où la politique est appréhendée, débattue, dissimulée. Il pourra également être question des lieux où les décisions du pouvoir politique se ressentent particulièrement : internements, déplacements de populations, travaux forcés ou grands travaux, etc. La caractérisation de ces lieux devra être couplée à une réflexion sur leur fonction, leur spatialisation et leur organisation en jouant, si nécessaire, sur les échelles.
Axe 2 – Symbolique des lieux, lieux de symboles
On s’intéressera aussi aux dimensions symboliques des lieux du politique. Comment le politique s’y incarne-t-il ? Comment la localisation et la matérialité de ces lieux reflètent-t-elle leur dimension politique ? Quelle construction intellectuelle accompagne ces lieux ? L’histoire de l’art et de l’architecture, l’histoire des représentations comme les travaux sur la mémoire et sur le patrimoine pourront être utilement mobilisés pour nourrir ces réflexions. Par ailleurs, cet angle d’approche permettra à nouveau d’interroger les potentielles concurrences et rivalités entre lieux du politique afin de donner à voir les tensions qui traversent les sociétés concernées.
Axe 3 – Usages et réusages des lieux du politique
Enfin, il s’agira de replacer les lieux du politique dans le cadre de dynamiques souvent marquées par les ruptures. La signification, la fonction et l’affectation de ces lieux sont en effet susceptibles d’évoluer, dans des délais plus ou moins longs selon le contexte local, régional ou international. L’objectif est de mettre en lumière la manière dont les lieux du politique sont aussi entendus comme des espaces de légitimation, par leur investissement, leur redéfinition, leur ignorance ou encore leur rejet – voire leur disparition ou réappropriation. Cela doit également permettre d’enrichir les réflexions sur l’inscription de la période coloniale dans des temporalités dépassant – sans en nier les effets – celle de la domination étrangère.
Organisation
Cette journée d’étude est organisée par le groupe « mondes coloniaux et post-indépendances » de la Société française d’histoire politique (SFHPo) en partenariat avec l’unité de recherche Tempora (université Rennes 2). Elle aura lieu à l’Université Rennes 2 le vendredi 12 mai 2023. Les propositions de communications (3000 signes) ainsi qu’une biographie succincte devront être envoyées avant le 30 novembre 2022 à l’adresse suivante : lieuxdupolitique2022@gmail.com.
La Société française d’histoire politique (SFHPo) se propose de promouvoir et de développer les recherches qui s’effectuent dans la spécialité du « politique », à toutes les époques et dans tous les territoires. Elle s’adresse aux chercheuses et chercheurs, aux doctorant.e.s et docteur.e.s ainsi qu’aux étudiant.e.s de master. Elle souhaite également, en complémentarité avec d’autres associations existantes nationales et internationales, associer le plus possible les collègues de l’enseignement secondaire. Son actualité et ses activités peuvent être suivies sur son site internet : https://sfhp.hypotheses.org ainsi que sur Twitter : @sfhpol
Bibliographie indicative
– AGERON Charles-Robert, « L’Exposition coloniale de 1931. Mythe républicain ou mythe impérial ? » in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de Mémoire, Tome 1, Paris, Gallimard, 1983, p. 493-515.
– ALCARAZ Emmanuel, Les lieux de mémoire de la guerre d’indépendance algérienne, Paris Karthala, 2017.
– ANGLEVIEL Frédéric, Poulo Condore. Un bagne français en Indochine, Paris, Vendémiaire, 2020.
– BEN HAMOUDA Houda, RAMONDY Karine (dir.). « Mémoires et constructions nationales en Afrique », Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. 117-118, n° 3-4, 2015.
– CARU Vanessa, Des toits sur la grève. Le logement des travailleurs et la question sociale à Bombay (1850-1950), Paris, Armand Colin, 2013.
– GOERG Odile, HUETZ DE LEMPS Xavier, La ville coloniale, XVe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2012.
– JENNINGS Eric, Imperial Heights. Dalat and the Making and Undoing of French Indochina, Berkeley, University of California Press, 2011.
– MANN Gregory, « Locating Colonial Histories: Between France and West Africa, », American Historical Review, Vol. 110, n°2, p.409-434.
– SACRISTE Fabien, Les camps de regroupement en Algérie. Une histoire des déplacements forcés (1954-1962), Paris, Presses de Sciences Po, 2022